EMDR : Introduction

La thérapie EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) désigne une thérapie qui agit par « Désensibilisation et Retraitement par le Mouvement des Yeux ».

Plus précisément, il s’agit d’utiliser la désensibilisation et le retraitement de souvenirs par le mouvement des yeux pour traiter les troubles psychiques actuels. En effet, les souvenirs qui restent douloureux, par leur charge émotionnelle non traitée, continuent à avoir un impact sur la personne.

L’EMDR se centre aussi sur le présent et le futur :

  • les « déclencheurs du présent », situations actuelles qui créent angoisse, colère (…) de façon disproportionnée, vont être traités afin de devenir neutres.
  • le patient va « encoder » de nouveaux modèles pour le futur, c’est-à-dire travailler à la mise en place de réponses plus adaptées face au même type de situations.

Nota Bene : dès qu’un événement est passé et mémorisé, il est qualifié de souvenir. Ainsi, un événement arrivé il y a quelques minutes est déjà appelé «souvenir ».

EMDR : bases théoriques

Le système du traitement adaptatif de l’information (Francine Shapiro)

La thérapie EMDR se bas sur le modèle du PTAI (Processus du Traitement Adaptatif de l’Information).

Lorsque tout se passe bien, notre cerveau est capable de traiter les multiples informations (visuelles, olfactives, gustatives, tactiles, émotionnelles) liées aux situations que nous vivons chaque jour. Le traitement de ces informations qui constituent des souvenirs a lieu pendant le sommeil paradoxal.

Avec le temps, plus ou moins vite selon chacun, un souvenir, même s’il est rattaché à un événement ressenti comme « négatif » sur le moment, va devenir neutre émotionnellement. Ainsi on est capable d’évoquer sans émotion particulière, le jour où on a été licencié, où on a appris une très mauvaise nouvelle, où on a eu très peur… Dépourvu de sa charge émotionnelle, le souvenir ne déclenche plus d’émotions négatives lors de son évocation. Il est devenu un souvenir comme un autre. Ainsi, le système de traitement de l’information a fait évoluer une mémoire « perturbante » vers une mémoire adaptative.

Mais si l’événement dépasse notre capacité de traitement de l’information, parce qu’on est trop jeune ou parce que l’événement est trop grave (décès d’un proche dans des circonstances difficiles, sensation personnelle de mort imminente…) ou parce qu’il se répète (mère froide, supérieur hiérarchique humiliant…), alors l’angoisse n’est plus psychisée et nous déborde : c’est le psychotrauma. En EMDR, le trauma désigne toute expérience de vie qui a toujours un impact négatif dans la vie d’une personne. La mémoire de cet événement (composée de sensations visuelles, physiques, olfactives, sonores ou gustatives, de croyances sur soi [je suis nul, coupable…], d’émotions et de sensations dans le corps) va rester encapsulée, isolée au sein du réseau de mémoire, empêchant tout retraitement et toute recherche de solution adaptative. Le souvenir ressemble à un caillou dans la mare, déclenchant des émotions négatives à son évocation, même longtemps après.

Ainsi, en thérapie EMDR, on considère que les troubles apparaissent en lien avec ces mémoires d’expériences de vie non retraitées et stockées de façon inappropriée. Ces expériences constituent des traumatismes au sens où elles ont interrompu le système de retraitement de l’information du cerveau et continuent de fait à avoir un impact négatif dans la vie de la personne. Peuvent alors apparaître des problématiques psychiques : manque d’estime de soi, sentiment excessif de culpabilité ou une apparente mauvaise régulation émotionnelle (on pleure, on se met en colère après un événement apparemment anodin). Si le traumatisme est massif ou se répète, des tableaux cliniques caractérisés (stress post-traumatiques, phobies, troubles du comportement, addictions, phobies, troubles somatoformes (…)) vont émerger.

Nota Bene : Il est important de préciser qu’il n’y a pas que des faits vécus dans la réalité qui peuvent avoir un effet traumatique.  Des images, une lecture, un récit peuvent être également traumatiques. En effet, notre cerveau traite de la même manière réalité et imaginaire. Ainsi, le récit d’un viol ou d’un accident peut être traumatique pour celui qui l’écoute. C’est aussi pour cela qu’il est préférable au début d’une relation amoureuse de ne pas « se faire de films » : en cas de séparation, tout cet heureux imaginaire autour du couple comptera comme les moments passés ensemble et rendra le deuil plus douloureux.

L’utilisation de stimulations bilatérales alternées (SBA) : les mouvements oculaires

Le traitement par notre cerveau de tous les événements vécus dans une journée a lieu pendant le sommeil paradoxal. Durant ce processus, sous les paupières fermées, les yeux vont de droite à gauche. Pendant une séance d’EMDR, le thérapeute va utiliser des SBA visuelles pour recréer chez la personne ce mouvement des yeux afin de relancer le traitement adaptatif de ces souvenirs non traités qui continuent à générer de la souffrance malgré le temps passé. Le thérapeute peut également utiliser des SBA tactiles ou auditives.

Même si on l’entend parfois, l’EMDR n’est pas à confondre avec l’hypnose et ne fait pas partie du courant des thérapies dites « brèves ». Complémentaire d’autres formes de thérapies, il s’intègre parfaitement à une démarche clinique classique.

EMDR : que peut-on traiter ?

La thérapie EMDR, en retraitant des souvenirs douloureux, permet de traiter quatre grandes problématiques :

  • les sentiments de responsabilité et de culpabilité
  • l’estime de soi
  • le sentiment de sécurité interne
  • le libre choix

Ces domaines sont liés entre eux. En effet, si on se sent coupable de quelque chose, on ne peut pas avoir une bonne estime de soi. Sans estime de soi stable, on se sent toujours plus ou moins vulnérable face au monde extérieur et donc, sans même rechercher l’existence de traumas générateurs d’insécurité, il n’y a pas de sentiment de sécurité interne possible. Enfin, il faut avoir une bonne estime de soi et un sentiment de sécurité interne pour pouvoir effectuer des choix les plus libres possibles, c’est-à-dire qui ne sont dictés ni par la culpabilité, ni par la peur, ni par le manque d’estime de soi.

Ces problématiques peuvent s’observer de manière isolée ou s’intégrer dans des troubles (phobies, addictions, TOC, stress post-traumatique…).

La thérapie EMDR ne se centre pas sur le symptôme mais sur les multiples événements de vie qui ont concouru à l’apparition de ce symptôme.

EMDR : organisation et déroulement de la thérapie

Il y a entre un et trois entretiens cliniques classiques avant de commencer les stimulations bilatérales alternées à proprement parler. Ce temps préliminaire fait partie intégrante de la thérapie, permettant d’éclaircir certains points et de préparer les séances de retraitement à proprement parler.

La fréquence des séances se situe généralement entre 1 à 2 fois par semaine et 1 fois tous les quinze jours. Il est possible de faire des séances plus espacées. C’est la personne qui décide du rythme auquel elle veut avancer.

Comme pour toute thérapie, sa durée dépend de la complexité des problématiques (ancienneté, sévérité, associées à d’autres problématiques …) et il reste donc difficile de prédire à quelle vitesse une personne va avancer.

EMDR : pour aller plus loin …

Mécanismes d’action de l’EMDR

« Bien que l’efficacité de l’EMDR dans le traitement de l’ESPT ne soit plus à démontrer, ses mécanismes d’action ne sont pas encore élucidés et de nombreuses théories ont été développées afin de comprendre son fonctionnement, et notamment le rôle des stimulations bilatérales alternées (SBA). Elles restent pour le moment encore spéculatives (380) : Modification de l’équilibre ortho- parasympathique, facilitation des interactions inter hémisphériques, double attention, distraction, réaction d’orientation, réaction de relâchement…

La théorie du lien entre EMDR et sommeil REM (Rapid Eye Movement) fut l’une des premières suggestions de F. Shapiro (378). De nombreuse études ont montré que le sommeil joue un rôle central dans le processus de la mémoire. Les phases REM, pendant lesquelles sont observées des mouvements oculaires rapides durant le sommeil paradoxal, semblent jouer un rôle essentiel dans l’intégration corticale de souvenirs dans des réseaux sémantiques généraux (398; 331). Elles faciliteraient notamment la formation de nouveaux liens associatifs, nécessaires pour la compréhension du sens des événements de la vie (399). Les réorientations répétitives de l’attention en EMDR induiraient des changements au niveau de l’activation des régions du cerveau et une neuromodulation, similaires à ceux produits pendant le sommeil REM (400; 380).

« A propos des thérapeutiques précoces adaptées aux traumatismes psychiques. Intérêts de l’EMDR », thèse de médecine soutenue le 12/01/2017 par Baptiste Leveque.

Neurobiologie

«La stimulation sensorielle de l’EMDR semble stimuler le RO [Réflexe d’Orientation], favorisant les mécanismes para-sympathiques, cholinergiques et de traitement de l’information. Prenant la forme d’une stimulation sensorielle répétitive et de RO répétés, elle semble activer les aires cérébelleuses, hypothalamiques, médullaires (vagales), protubérantielles, thalamiques et orbitomé- dianes/préfrontales (…).

Comprenant les composants majeurs des circuits thalamocorticaux qui permettent la liaison et l’intégration du fonctionnement neural, cette activation pourrait favoriser la réparation et l’intégration du fonctionnement somatosensoriel, mnésique, cognitif, émotionnel et hémisphérique. De plus, l’activation du noyau thalamique ventrolatéral (à travers ses projec- tions) pourrait activer les cortex préfrontaux, ce qui correspond au résultat le plus fréquemment observé des études de neuroimagerie sur l’EMDR. »

Journal of EMDR Practice and Research, Volume 5, Number 2, 2011 Bergmann

« Des études récentes de neuroimagerie ont montré des modifications avant et après traitement par EMDR chez des patients présentant un ESPT. Les enregistrements faits pendant les séances d’EMDR ont montré une implication en particulier du cortex limbique, pariétal, temporo-occipital et frontal. La thérapie EMDR contribuerait à l’activation du cortex préfrontal, qui est notamment chargé d’inhiber le système limbique, en réduisant l’hyperactivation de l’amygdale. »

« A propos des thérapeutiques précoces adaptées aux traumatismes psychiques. Intérêts de l’EMDR », thèse de médecine soutenue le 12/01/2017 par Baptiste Leveque.

Reconsolidation de la mémoire

La théorie de la reconsolidation et de la mémoire de travail sont actuellement les approches théoriques récentes les plus solides (405; 177). D’après la théorie de reconsolidation de la mémoire (71), un souvenir réactivé, c’est à dire rappelé en mémoire, peut devenir labile, et être restauré sous une forme modifiée dans la mémoire à long terme. Cette modulation peut être permise par des agents amnésiques et certaines activités interférentes (293; 58), dont pourrait faire partie l’EMDR (405). Selon la théorie de la mémoire de travail, celle-ci aurait une capacité limitée. Lors de la réalisation de deux taches concurrentes simultanées (comme le rappel d’un souvenir et l’attention portée sur les SBA), cette mémoire serait alors saturée et le souvenir reconsolidé sous une forme dépouillée de sa charge émotionnelle (369; 10; 144; 421; 304). »

Source : « A propos des thérapeutiques précoces adaptées aux traumatismes psychiques. Intérêts de l’EMDR », thèse de médecine soutenue le 12/01/2017 par Baptiste Leveque.